Ban-lieue, lieu des bannis

Publié le par josephine

 C’est vrai que tu as l’air reposé. C'est une particularité chez toi, quand  tu es heureux, détendu. Ton visage s’anime, tes yeux brillent. Et tes traits deviennent différents.

Jeunes et beaux. Malgré le poids des ans qui te fait chaque fois rétrécir davantage.


« - Après si tu veux bien nous sortirons prendre un petit café. Mais tu n’as toujours pas dit ce que tu pensais de la rencontre d’hier? »


J’ai parlé de la salle, rouge et or. Un endroit prestigieux. Le débat était à la hauteur. Deux écrivains sans concession et sans illusions mais qui ont gardé vivant leur idéal. Le présentateur a su vous mettre tous deux en valeur, et non en concurrence. C’était difficile avec de telles personnalités. Toi, je te connais bien mais comment fais tu pour garder une telle fraîcheur malgré le voyage. Et t’exprimer dans une langue qui n’est pas la tienne, que tu ne pratiques guère. Avec cette fluidité…. Cette clarté d’esprit. Et puis, faire rire la salle, avec un sujet grave.

Le totalitarisme. Les camps de la mort auxquels vous aviez tous deux survécus. Plusieurs fois ils ont ri. Par ton évidente simplicité. Cette sorte de joie si particulière que tu dégages.


Quelque chose m’a émue dans la petite pièce bleue où l’on s’est retrouvé ensuite.

K., le prix Nobel, t’a pris dans ses bras. Il t’a embrassé.

C’était beau. Ces deux hommes enlacés et qui ne parlaient pas la même langue.

K. massif, te dépassant d’une tête. Ses propos, nous allions les prolonger plus tard.

Et peut être, pour une fois, en conserver la trace.

« - A toi de travailler ma petite. Depuis le temps que je te le répète. Tu as tout ce qu’il faut. Et au moins trois ouvrages à écrire. Des romans c’est mieux. Pour les autres. Pour leur apporter quelque chose. »


Abrités sous un grand parapluie, nous sommes partis à la recherche du café idéal, avec  un coin tranquille où se poser.

«  - A la fin de votre rencontre, il vous a été posé une question identique. Et vous n’étiez guère optimistes. Vous avec Berlusconi, vous avez fort à faire. Actuellement, nous ne sommes guère mieux lotis. Tu vois, je me demande si nous n’entrons pas dans une autre forme de fascisme. Avec un autre visage.

- Ma petite, les peuples sont bêtes. Toujours aussi bêtes.

- J’ai envie de relire un texte de Freud, sur la psychologie des foules. Il avait à son époque matière à écrire. Les événements qui ont suivi sont allés au delà de ses réflexions.

- Mais, tu le sais, chez moi, cela a commencé doucement, une progression lente. Avant même le régime fasciste de Mussolini, on avait mis au ban tout un peuple.

- Mis au ban… Tu sais que c’est le sens de banlieue…. »

Banlieue. Le lieu de ceux qui sont mis au ban de notre société. Choisir d’y  demeurer. Des récits fracassés dont j’élude une bonne partie. Parfois, instinctivement, l’on choisit de se taire. 


En fait, l’écriture est impuissante à tout dire et la vie trop dense pour se laisser saisir.

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