Ensemble c'est mieux: tisser l'être.

Publié le par josephine

Aujourd’hui, pluie, hier pluie et demain….

Difficile d’aller courir au petit bois des Bruyères.  Il faudrait appeler Caro, le temps doit lui être long et la classe lui manque. Le cancer semble stabilisé mais je la trouve encore fatiguée, stressée.

Ecrire d’abord, un temps parfait pour écrire sur la toile. Et pour commencer, un bon petit café.


Dylan, 7 ans, m’a tout de suite surprise. Devrais je dire conquise ? Présent, investi, heureux pour cette attention qu’on lui porte. Trois écoles en un an, c’est beaucoup, dans l’une, « une maîtresse qui ne l’aimait pas ». Encore ?

Les épreuves du kiwi (QI) confirment une première impression d’intelligence. Avec toutefois une non confiance en lui, un manque de stratégies dans la résolution d’une tâche.

«  - Dylan, pas si vite. D’abord, tu regardes, tu réfléchis. Rappelle toi tout à l’heure, comment tu as fait pour réussir ? »

Peu à peu, il se passionne. Alors, faisant mine de le décourager.

«  - Celui est trop difficile pour toi. C’est un travail de grand.

Cela devient un sujet de plaisanterie. Tandis qu’il se prend au jeu, j’insiste en souriant,

- Et tu voudrais quand même essayer ?

- Oh oui ! 

- Bon alors si tu y tiens, on y va ! »

Il essaie. Réussit. Puis le suivant. Encore. Dans une joie partagée.

Les résultats chiffrés vont, si besoin est, le confirmer : Dylan a des capacités. Il parvient à les exprimer dans un cadre très protégé où il utilise, rapidement, l’aide qu’on lui propose.


Stratégie et vérité, authenticité et rapport distancié. Souvent les situations bloquées exigent  cette alliance des contraires, une articulation, une sorte de danse, très rapide où l’on se déplace entre des postures en apparence contradictoires. Oui, c’est cela. Ne pas tricher, jamais, surtout avec un enfant, il ne vous le pardonnera pas. Mais, au plus tranchant de cette vérité de l’être, utiliser la connaissance des points sensibles, où loge l’énergie d’une transformation…

Alliance nerveuse des contraires.


La trame, fils tendus à la verticale. La chaîne, dans toute son horizontalité. Et la fine navette qui glisse, glisse entre les deux pour frayer passage au fil tendu de la vie.

On tisse un être. Il naît de l’humain.

A vingt ans, toute débutante, mon second poste fixe fut en IMP. De grandes jeunes filles, 14-18 ans placées en institution pour difficultés familiales, comportementales et scolaires. La directrice, madame Benkheroum, venait me parler :

«  - Madame M. vous qui êtes ferme et douce à la fois…. »

Je l’interrompais en souriant :

«  - Bon, j’ai compris, de qui s’agit il cette fois ? »

Et j’accueillais encore une élève supplémentaire qu’une collègue en difficulté ne pouvait plus prendre en charge.

Ferme et douce. C’est important pour les comportements difficiles. Mais comment peut on être ferme et doux à la fois. Souvent l’autre vous façonne, à son insu. A votre insu.

Il vous adresse des parcelles d’être qui vont devenir votres.

Ne fait on pas la même chose avec les petits, dépendants des matériaux qu’on leur donne ? Solides ou précaires. Certains toxiques.Ainsi ils se construisent.

 

Madame Benkeroum, je n’ai pu le faire alors. Aujourd’hui, même si je crains que ne soyiez plus, je vous remercie. Car vous avez, en l'interpelant, valorisé une jeune débutante.

Quel dur apprentissage, dans cet établissement où les enfants demeuraient gérables, malgré leurs moments de crise!.

Ce n’était pas ces grandes adolescentes qui donnaient le plus de soucis. Le problème, c’était les adultes dirigeants. Un état dans l’état, totalitaire, cynique et destructeur.Les enseignants se sont engagés, à la demande de l’IEN. Rapports écrits en vue d’une action administrative et qui sont restés au fond d’un tiroir.

C’est très ancien. Il y a prescription. Des protagonistes, beaucoup sont morts. Autant en emporte le vent.

Mais à vous, Madame Benkeroum, qu’a t-on adressé ? Prise dans un combat déloyal, vous avez craqué. Epuisement, dépression.

J’ai oublié les faits précis énoncés dans nos textes d'alors : malversations, humiliation des adolescentes, chantages divers…

Il me reste ces quelques mots, le mépris dans la voix qui les a prononcés:

«  - Benkeroum, Benkeroum, c’est un nom qui n’est pas Français ça ! »


Merci madame Benkeroum pour votre courage et votre générosité. 

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