Phoebe: mon père en prison

Publié le par josephine

Lundi 24  novembre

 

Phoebe : mon père en prison

Quelqu’un l’écoute. Elle est si heureuse.

«  Tu m’avais donné rendez vous cet après midi mais la classe avait cinéma. J’avais peur de ne pas te voir…. « 

 Un sourire, suivi d’un silence. Il est difficile de trouver les mots.

«  Tu as vu mon petit frère, Karim. Lui, il a du mal à parler…..

Encore un silence.

«  - Voilà, mon père est en prison. Le Juge des enfants a dit que je pouvais le voir mais surveillé tu comprends. Il dit que ma sœur, enfin on est sœurs par ma mère, c’est ma demi sœur tu comprends, alors mon père il dit que c’est elle qui voulait. «  

Phoebe baisse la tête, soupire

«  - Moi, je ne sais pas ce qu’il faut croire.

Quand le collège a appelé la police, elle a eu très peur qu’on l’arrête, alors elle a téléphoné à mon père, elle lui a dit sauve toi, les policiers arrivent. »

Je contemple le beau visage grave de Phoebe. C’est une histoire bien lourde qu’elle conte là. A quoi  se raccrocher dans cette nuit soudaine, quand on n’a que dix ans et que le monde autour de vous s’effondre.

Dans ce drame l’aînée a sombré. Corps et âme. Et ceci hélas n’est pas une simple expression.

« -    Maintenant, elle est en terminale mais elle ne va plus au lycée, elle fait des crises, elle veut quitter la maison. Le bébé qu’elle avait, elle l’a fait euh…..

- Avorter ?

Oui, elle l’a fait partir.

Tandis que Phoebe raconte, je ne puis détacher ma pensée de sa soeur, une enfant à l’époque du viol. Je connais leur mère, intelligente, courageuse. Elle pensait avoir reconstruit sa vie sur des bases solides, elle se croyait heureuse, aimée…

Et puis la trahison, en tant que femme, en tant que mère tandis que le collège dévoile la vérité : sa fille est enceinte, de son propre mari.

«  - Ma sœur, elle avait personne. Au collège, elle pouvait compter seulement sur l’infirmière.

Madame S. ?

Oui, je suis contente parce que l’année prochaine, je serai dans son collège.

Quant à Phoebe, elle me donne sa confiance, immédiate, entière et nue. Et elle attend.

C’est difficile la confiance d’une enfant de dix ans. Trouverai je les mots ? Des mots auxquels s’arrimer quand le monde bascule.

«  - Phoebe, ce que ton père a fait est grave. C’est le travail des pères et de tous les adultes, protéger les enfants, jusqu’à ce qu’eux mêmes soient devenus adultes, assez grands pour aimer.

Mais quand les policiers sont venus, il n’a pas fui. Il n’a pas menti non plus. « 

La petite se redresse, me regarde bien en face.

«  - Mon père ne ment pas. 

Et toi tu as le droit de continuer à l’aimer. »

Elle sourit.

« - Et je vais travailler à l’école, déjà j’ai des bonnes notes, en maths, en histoire… »

Et tandis qu’elle continue sur sa lancée, pleine d’énergie et d’allant, je contemple cette petite flamme dans ses yeux, sa beauté grave d’enfant intelligente .

En moi cette pensée. Obsédante.

Si on ne l’avait pas arrêté, aurait il comme c’est souvent le cas, continué ? L’aînée, puis la seconde,  la cadette…..

Que personne ne touche à cette enfant.

Que personne ne touche à cette enfant.

Mais je dis :

«  - Phoebe, tu as raison. Ainsi tu vas trouver ta fierté, et cette fierté, c’est toi qui l’auras construite, avec ton travail, avec tes forces. Toi seule. De cela tu pourras être fière… »

13 heures 30, dans la cour de récréation. Deux demoiselles sur mon passage, qui se tiennent par le cou et sourient.

 Phoebe me présente sa meilleure amie :

«  - Voilà ! C’est Emilie. « 

- Bonjour Emilie ! »

 

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